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| Enseignement des langues régionales à l'école primaire J’ai baigné dans la langue occitane.Ma grand'mère ne parlait qu'occitan à mon père, à moi-même et en général à tous ceux qu'elle connaissait bien. Mon père né en 1906 a appris les premiers mots de français à son entrée à l'école maternelle. J'ai appris à chasser avec deux cultivateurs (père et fils) qui ne parlaient qu'occitan. Leurs chiens d'ailleurs ne comprenaient pas le français. Lorsque les voisins et voisines de mon enfance se rencontraient avec mes parents, l'occitan était la langue généralement employée. Tout cela pour vous dire que j'ai baigné dans cette langue que j'utilise encore assez encore assez souvent. Conclusion : lorsqu'il s'agit de « langue régionale avec les adultes » je ne suis pas contre. Si j'étais un élu, j"accorderais volontiers une subvention aux clubs de langues régionales. Je ne m'étendrai pas davantage, vous m'avez compris! Par contre, dès que l'on me parle de "langues régionales avec les enfants" je bondis. Respecter l’enfant c’est lui donner toutes ses chances pour la vie.Pourquoi? je vous le livre pêle-mêle, comme cela me vient : Je ne comprends pas que (les individus sensés qui s'élèvent vivement contre, qui sont fondamentalement contre, qui luttent contre : -- l'enseignement imposé d'une religion à un enfant ; -- toute doctrine politique et philosophie imposée d'autorité à un enfant ; -- tout lavage de cerveau dans une secte ; Bref tout ce qui est contre la liberté d'un enfant, liberté qui lui permet, adulte, de choisir sa voie selon les convictions qu'il s'est données au cours de ses études, de ses lectures, de ses rencontres, etc ... donc que ces mêmes adultes soient pour l'apprentissage imposé d'une langue régionale aux enfants, que ces adultes permettent qu'on se serve des enfants pour assouvir les fantasmes de certains adultes rétrogrades, sans se demander une seule fois si cet enseignement sera bénéfique pour l'avenir des enfants du XXI° siècle. Si vous trouvez un seul écrit où l'on pense aux intérêts des enfants dans l'immersion partielle ou totale dans les langues régionales, intérêts à court, moyen et long terme (n'oublions pas qu'un enfant devient un adulte), je suis preneur car je n'en ai jamais trouvé. Je vous fais grâce des articles prônant les avantages du bilinguisme, là n'est pas la question, tout le monde est d'accord sur ce point; mais où le bât blesse, c'est dans le choix des langues. Chaque fois que je lis un article d'un fana de l'apprentissage des langues régionales, je vois "une langue que l'on n'apprend pas aux enfants est une langue condamnée à disparaître". Pour ces gens aux idées très courtes, les enfants ne servent que de vecteur, ils ne sont pas considérés en tant qu'individus à instruire, à former, à préparer à une vie adulte et cela, je le dis bien fort c'est révoltant. La langue est un outil qui évolue.Je ne comprends pas que ces personnes paraissant sensées n'ont pas encore compris que l'humanité évolue et doit impérativement évoluer pour survivre. Certaines choses disparaissent à jamais, mais, bien que regrettable, ce mal est nécessaire. Imaginons une famille qui n'ait rien jeté, qui ait tout gardé depuis les Gaulois, nous n'arriverons pas à nous représenter le volume colossal que cela représenterait. Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que l'occitan (je garde cette langue comme exemple) a évolué dans le temps et dans l'espace. Et donc, faut-il enseigner l'occitan de François Ier, de Louis XIII, de Napoléon, de nos parents ou grands-parents, celui de l'Aude ou de l'Aveyron, celui du Bordelais ou celui du Quercy ? Et dans l'Aude, lequel choisir: celui de Narbonne ou celui de la Haute Vallée ? J'ai lu plusieurs fois que les Corses de deux régions différentes ne se comprennent pas et que quand les nationalistes se réunissent ils sont obligés, pour que tout le monde suive d'utiliser le français ? Alors, un peu de réalisme, redescendez sur terre les adeptes du passé ! Les langues régionales préparent-elles l’avenir d’un enfant ?A ce propos, et cela me servira de liaison : les langues régionales, en France, sont poussées en avant à grand renfort d'articles et de réunions, voire de manifestations, par une toute petite minorité. Mais une minorité tapageuse s'entend davantage qu'une majorité silencieuse parce qu'elle s'en désintéresse. Et nos hommes politiques (exactement comme pour le problème corse ) sans aucune autorité, sans aucune réflexion profonde emboîtent le pas, suivent et parfois précèdent, électorat oblige. Certains parents sont séduits : c'est si mignon un bambin de six ans qui sort une phrase en occitan! Mais là aussi les parents irresponsables qui n'ont pas, une seule seconde, posé la question: « Est ce que cela préparera l'avenir de mon enfant? » Je me répète, mais encore une fois je ne comprends pas que des personnes sensées n'aient pas conscience qu'une langue est un outil. Ce n'est pas un monument historique comme les pyramides ou les cathédrales, c'est un simple outil. Et un outil se perfectionne, se généralise, se modernise, devient international. Si l'outil n'a plus de raison d'être, il doit être abandonné, sans regret et simplement exposé au musée. Si un groupe de personnes proposaient qu'aux élèves du technique on apprenne en même temps que l'usage des perceuses-visseuses - piqueuses à variation de vitesse et de puissance électroniques, à se servir de l'ancien vilebrequin tout le monde se gausserait. Quand un groupuscule d'excités exige qu'on apprenne une langue régionale en même temps que l'anglais (ou autre, bien sûr) tout le monde suit béatement sans aucun esprit critique. Revenons sur le fait qu'une langue est un outil de communication, le seul qui ait existé pendant des siècles pour une majorité de personnes sous sa forme parlée... De nos jours, un individu naît dans Le Languedoc, poursuit ses études universitaires à Grenoble, se marie avec une Lorraine et va exercer sa profession dans les Landes. Quand aura-t-il l'occasion d'utiliser sa langue régionale ?? Avec qui ?? Les populations sont d’origines linguistiques très diverses.En tant qu'instituteur, j'ai été bien placé pour suivre cette évolution . Je m'explique : à mes débuts, en 1956, lorsqu'on regardait le registre où étaient inscrits tous les élèves ayant fréquenté l'école depuis sa création en 1885-86, le lieu de naissance était invariablement le village (on accouchait dans son lit) . Rarement trouvait-on une naissance ailleurs (village, département, région ) et encore plus exceptionnellement une naissance dans un pays étranger. Peut-être une tous les cinquante ans. Pis les années passant, 60 ..90 sont apparus des élèves nés ailleurs et transplantés: de nombreux enfants d'ouvriers espagnols, ouvriers qui fuyaient la misère instaurée par Franco. Le travail dans les régions ne manquait pas et souvent une famille installée faisait venir une, parfois deux ou trois familles. J'avais en permanence dans une lasse des enfants qui ne parlaient pas français et auxquels il fallait tout apprendre.. Sont arrivés ensuite des Hollandais, des Anglais, des Polonais, des Turcs et des Portugais ! Se posent alors les questions suivantes : 1) Combien de langues régionales l’instituteur devra-t il enseigner dans sa classe ? 2) Avec la mouvance des populations actuelles, un enfant dans sa scolarité apprendra la langue basque à trois ans, le catalan à huit ans et l'alsacien à dix ans. 3) Un enfant qui aura appris entre trois et dix ans sa langue régionale et qui, pour son travail, passera sa vie dans une autre région, aura-t-il vraiment l'occasion de l'utiliser? Toujours dans la suite langue = outil, après les enfants, passons aux adultes. Prenons l'annuaire, du téléphone de mon village et un feutre. Barrons tous les noms de consonance étrangère Espagne, Afrique, Angleterre, etc., barrons ensuite tous les noms de personnes venues d'une autre région (souvent lointaine) pour profiter du soleil languedocien, vérifions une dernière fois: est-ce que les personnes dont les noms restent sont bien nées et ont grandi au Languedoc? Les noms vont représenter à peine le quart de la population (et je suis généreux!) . Conclusion : toute la population n'est pas concernée par la langue régionale occitane . Un enfant naît à Perpignan de père catalan et de mère languedocienne, le père parle catalan, la mère occitan et l'instituteur français - querelle des parents pour l'apprentissage de la langue régionale, mais à Perpignan forcément, le catalan gagnera . Certains enfants suite aux péripéties familiales de la vie ayant appris le catalan, le breton, le français, l'anglais, et l'espagnol en seconde langue à l'école, se retrouveront avec des bribes de tout ce fatras de langues régionales et de français. Ils ne sauront vraiment parler aucune langue... Tout le monde, depuis l'instituteur jusqu'au ministre au sommet, se lamente, se désole, triste constatation : 10 à 15 % des enfants quittent l'école primaire sans savoir lire, écrire, compter et encore plus grave sans savoir s'exprimer correctement en français. Ne pensez-vous pas qu'il y aurait beaucoup de réformes, de nouveautés à instaurer pour faire cesser cet état de fait qui serait beaucoup plus bénéfique pour l'enfant que l'étude d'une langue régionale qui, dans la plupart des cas, ne sera pas celle de ses aïeux . Où sont ces parents qui veulent l’enseignement des langues régionales ?En résumé Que certains adultes veuillent conserver l'usage de leurs langues régionales : OUI. Qu'ils fondent un club d'apprentissage et d'utilisation de cette langue régionale: OUI. (mais sans les enfants). Qu'ils organisent des manifestations folkloriques, qu'ils écrivent en langue régionale, etc. : OUI. Mais, j'accuse de préjudices graves portés à rencontre des enfants, préjudices pouvant avoir des conséquences sur leur vie d'adulte, leur formation, bref leur vie : - Les nostalgiques du passé (lui veulent à tout prix se servir des enfants pour conserver leur passé sans regarder la réalité. - Les parents qui usent de leur autorité parentale pour imposer à leurs enfants un apprentissage sans avoir vraiment profondément réfléchi aux conséquences dudit apprentissage. En tant que DDEN, j'assiste à une dizaine de "conseils d'école" par an. J'entends les parents, des mamans dans 99% des cas, qui demandent l'apprentissage d'une langue étrangère (l'anglais à 90%). Ils ne parlent jamais de l'apprentissage d'une langue régionale. (il est vrai que cela ne concerne que le Languedoc, peut-être en est-il autrement en Bretagne ou au pays basque). Je ne peux m'empêcher de leur dire :" ce qui m’étonne c'est que vous demandiez tous (quasiment) et fréquemment, l'apprentissage de l'anglais" alors que je n'ai jamais entendu un parent dire : " J'exige que lorsque mon enfant rentrera en sixième il connaisse parfaitement la langue française ! " De basses raisons politico-électorales.Les autorités de l'Éducation Nationale et notamment le ministre (couvert par le premier ministre) ont cédé à de basses considérations politico-électorales au lieu d'accomplir leur tâche qui consiste à amener des générations d'enfants à un état d'adultes responsables et capables d'assumer la charge d’une famille, d'un travail et de la citoyenneté. Le grand public qui approuve sans avoir une seule seconde réfléchi, imaginé, pesé le pour et le contre, bref qui, sans savoir vraiment ce que cela représente pour les enfants et les futurs adultes, se contente de dire sottement : « Cela ne peut pas leur faire de mal ! ". Je terminerai par une phrase que j'ai trouvée dans les années 70 dans un numéro de la revue de l'Éducation Nationale qui m'a marqué et qui, depuis, ne m'a plus quitté dans mon métier d'enseignant et que l'on devrait enfoncer dans le crâne des personnes citées dans le paragraphe "j'accuse" : " Je croyais t'enseigner ton avenir et je ne t'enseignais que mon passé ". Voilà, c’est long, mais il fallait que je le dise. Je ne veux pas faire partie de ceux qui assistent sans rien dire à la dégradation de l'enseignement et du français. J'ai fait ce que me dicte ma conscience. Jacques VILLEROUX
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