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Breiz Atao
n° 61-62, janvier-février 1924, p. 5
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En 1924, un an avant l'adoption publique de la
croix gammée par Breiz Atao, Marchal écrit un éditorial, qui marque
l'orientation de Breiz Atao vers les "nordiques" à la croix gammée :
« (…) le génie latin
brisa triomphalement, en un demi-siècle, l'œuvre de six cent ans de travail
Nordique. Ce fut la Renaissance (…) la suppression brutale d'un progrès
continu de six siècles (…) ; c'est la nuit pour l'Intelligence du Nord. (…) le
flambeau latin (…) vacille et va s'éteindre, pour faire place à la torche
revivifiée des Nordiques. Les Celtes, et particulièrement la Bretagne, ont
leur place parmi les porteurs du Feu Nouveau. Ils furent autrefois, face à
Rome, les premiers d'entre les Barbares. (…) nous avons le devoir, par notre
passé et par notre tradition raciale de participer à la formidable partie »
[32]
Olier Mordrel, un des principaux organisateurs
de Breiz Atao, confirme le caractère de l'intégration dans un milieu où le
nazisme se développe, dans son livre « Breiz Atao », publié en 1972. Il
présente, en effet, Von Tevenar, l'agent de liaison avec les nazis, dans les
années 1930 :
« Cet idéaliste nous
parlait d'un Empire mystique du Nord, qui renouvellerait contre le monde latin
et anglo-saxon la vieille fraternité barbare »
[33]
Est ainsi clairement explicité ce qui vient du
nazisme, mais qui vient en fait à l'origine du réseau pangermaniste des années
1920 que nous allons analyser.
C'est bien Morvan Marchal qui introduit
publiquement le "nordisme", dans le même temps où il élabore le gwenn-ha-du en
1923. Dans une lettre du 10 mai 1925, il revendique explicitement l'introduction
du "nordisme" et du "fédéralisme" :
« Marchal écrit : (…) "
J'ai également introduit, après ma rentrée à B.A. en janvier 24, (…) le point
de vue nordiste. On vit encore sur cet acquis. Je conteste également à Mordrel
la trouvaille du fédéralisme international qui est autant au moins mon œuvre
que la sienne " (…) 10 mai, signé : Morvan Marchal. »
[34]
En janvier 1924, Morvan Marchal a donc
introduit publiquement dans Breiz Atao le nordisme. Ce nordisme et le
gwenn-ha-du étant adoptés et élaboré dans l'année 1923. Il a explicité ce qu'est
le nordisme : la Barbarie contre la Renaissance. Voilà un programme qui sera
appliqué dans les années 1930 et 1940. Voilà la substance donnée au gwenn-ha-du.
Mais d'où viennent ces thèmes ?
Ces thèmes sont connus comme caractéristiques
de l'idéologie pangermaniste. Est-ce exagéré ?
La croix gammée peut-elle être autre chose que
la marque de l'intégration dans le réseau pangermaniste où le nazisme est en
plein développement ?
Une étude sur le nordisme et le pangermanisme
résume les points suivants :
Sur http://www.chronicus.com |
« Le Pangermanisme est,
au cours de la longue histoire de la construction allemande et jusqu'en 1945,
au cœur des principes de la politique étrangère des États germaniques. (…) Cet
idéal n'est pas original dans l'Allemagne de cette époque. En effet, de
nombreuses sociétés secrètes mêlent aussi ces idéaux ; c'est à dire
l'occultisme avec l'extrémisme politique. (…) La plus puissante de ses
sociétés secrètes du début du XXe siècle est la Thulé qui a été
fondée en août 1919 à Munich. (…) Le créateur de cette société secrète (Thule
Gesselschaft) est le baron allemand Rudolf von Sebottendorf qui était
également le chef de la branche bavaroise de l'Ordre Germanique. Elle compte
parmi ses disciples Dietrich Eckart, ancien comédien. C'est ce Eckart qui a
informé Hitler sur l'idéal du groupe et qui sera pendant de nombreuses années
le mentor de celui qui deviendra le Führer. Eckart décèdera en 1923 à Munich.
Antisémite, raciste (…) On compte également dans cette mouvance des gens tels
que Rudolf Hess, Alfred Rosenberg, Karl Haushofer (l'instigateur du Lebensraum),
Max Axmann, Anton Drexler, Hans Frank, Gottfried Feder. (…) Notons également
que Sebottendorf mettra sur pied un journal, le " Volkischer Beobachter ",
afin de diffuser les idées de la Thulé. Ce journal deviendra plus tard
l'organe officiel du parti nazi.
Sur une affiche de 1919
qui présente les " armes " du groupe Thulé, on voit un glaive germanique (la
lame tournée vers le bas, le manche vers le haut) qui est posé devant un
svastika senestrogyre irradiant des rayons lumineux. Le manche du glaive se
trouve sur le symbole alors que des feuilles de chêne entourent la lame. En
haut de cette affiche, on trouve l'année : 1919 et en bas de celle ci la
mention en gothique Thulé Geselschaft. Toute la future symbolique nazie se
trouve déjà ici en place.
Le Svastika, emprunté au
groupe Thulé, va devenir l'emblème du parti nazi : le NSDAP (Nationalsozialistiche
Deutsche Arbeiterpartei). (...) Il s'agit d'un symbole aryen redécouvert par
Haushofer. »
[35]
Il faut donc constater que, dès 1919, la croix
gammée est l'insigne et la marque spécifique des cercles, dans le réseau
pangermaniste, où le nazisme se développe, avec l'idéologie nordiste, présentée
sous la forme des "mythes de Thulé".
Un fait relevé, dans un livre récent, est que
:
« Certes Mordrel n'est
pas le premier responsable de l'Emsav à être attiré par les mythes de Thulé.
Dès 1924, dans Breiz Atao, Morvan Marchal opposait la Bretagne de civilisation
nordique à la France latine. En 1925, dans son roman d'anticipation en langue
bretonne (…) " Monsieur Bimbochet en Bretagne " (...) Roparz Hemon, place dans
la bouche d'une de ses héroïnes (…) " Nous avons toujours été des Nordiques.
Aussitôt détachés de la France, c'est vers le nord que nous avons regardé (…)
" »
[36].
Il n'a donc pas échappé, à un auteur
connaissant le nazisme, que ce nordisme dont Morvan Marchal revendique
l'introduction publique, dans l'article vu plus haut
[37], ce nordisme propre à Mordrel et
Hemon, est le pont avec les pangermanistes adoptant la croix gammée, reprise par
Breiz Atao au moment de l'adoption du nordisme et du drapeau gwenn-ha-du. Nous
verrons que Breiz Atao se lie aux nationalistes flamands revendiquant le combat
des nordiques contre les latins, avant d'adopter la croix gammée
[38].
[32] Breiz Atao n° 61-62,
janvier-février 1924, p. 384
[33] « Breiz Atao »,
Olier Mordrel, p. 215
[34] « Mémoires du chef breton :
Fransez Debauvais », tome 1, p. 97-98. La lettre de Marchal est une
réponse à une lettre du 27.1.1925, la correspondance est donc du 10 mai 1925
[35] « Le IIIe Reich et
l'ésotérisme », Matthieu Boisdron, http://www.chronicus.com
[36] « L'Hermine et la croix
gammée », Georges Cadiou, Mango, 2001, p. 38
[37] Voir plus haut 1924 - le "nordisme"
: pangermanisme et nazi, p.8
[38] Voir plus bas Le "nordisme",
un défilé nocturne aux flambeaux, "La Walkyrie"…, p.13
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