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Henri Fréville révèle un mémoire clandestin aux nazis, qui réunit toutes les « nuances » du « Mouvement Breton » :
« Alors se situe un événement qui est resté inconnu jusquà ce que les archives allemandes en livrassent le secret, en 1972. Il sagit dun mémoire (9) adressé aux plus hautes autorités du Reich, daté du 22 septembre 1940, conçu par Yann Fouéré et rédigé volontairement en deux langues seulement : le breton et lallemand. Il était une plaidoirie en faveur de lorientation de lenseignement du breton, énumérait les mesures prises précédemment ou sollicitées dans ce sens par des évêques ou des parlementaires et concluait :
toutes ces entreprises (il sagit dun certain nombre de mouvements énumérés dans la requête et qui, depuis le second quart de Xxe siècle, militèrent en faveur de la langue bretonne) demandaient des efforts soutenus de la part de leurs fondateurs.
Certains les menèrent à bonne fin. Les résultats nont pas été proportionnés aux efforts accomplis. Les interventions privées ne peuvent agir comme celles de lÉtat. Aujourdhui encore, la plus grande partie de la population de la Basse-Bretagne ne sait ni lire, ni écrire la langue quelle parle. Elle reste sans instruction, incapable de vaincre sa propre ignorance.
Cest pour cette raison que nous croyons devoir vous adresser les indications suivantes puisque, selon les règles internationales en vigueur de nos jours, vous devez être appelés à vous occuper des réglementations propres à régir la vie matérielle et intellectuelle des pays que vous occupez et puisquil existe un exemple de décisions prises, dans le passé, par les autorités supérieures allemandes, en Belgique au cours de la Première Guerre mondiale, en faveur du flamand et des revendications des populations qui le pratiquaient.
Nous terminons en vous présentant une liste de mesures réglementaires quil conviendrait, croyons-nous, de prendre sans délai. Elle est peu de chose, mais elle a été établie de façon quelle puisse être mise à exécution immédiatement. Nous vous la présentons en notre nom et au nom du peuple breton qui a déclaré, par la voix de ses illettrés, sa volonté de voir sa langue enseignée dans les écoles. Nous avons lespoir que vous y porterez la plus grande attention et que votre haute compétence vous permettra den promouvoir lapplication au plus tôt et au mieux.
Avaient signé,
Au nom de Ar Brezoneg er Skol : Yann Fouéré
Au nom de Brezoneg er Soliou : R. Delaporte
Au nom de Gwalarn : Roparz Hemon
Au nom de Sav : M. Mahé
Au nom de Ober : Yann ar Beg
Au nom de Feiz ha Breiz : Yann Vari Perrot
Au nom de Dihunamb : Loeiz Herrieu
Le mémoire, élégamment présenté et imprimé, fut adressé à Berlin par les soins de Werner Best mais il neut aucune suite.
(note 9) Denkschrift über den Gebauch des bretonischen Sprache in den Schulen des Départements Finistère, Côtes-du-Nord, Morbihan, Ille-et-Vilaine und Loire-Inférieure ; Skit evit goulenn ma vefe desket ar Brezoneg e skoliou ar pemp departamant : Penn ar Bed, Aodou an Hanternoz, Morbihan, Enez ha Gwilen, Liger Izela.
Voir en annexe la reproduction du Chapitre IX de la requête ( ) » 104
Cette pièce originale est donc facilement accessible.
Il faut opposer à cette démarche clandestine, et destinée à rester clandestine dans les archives nazies, parlant « publiquement » haut, fort, et clair « au nom du peuple breton qui a déclaré, par la voix de ses illettrés, sa volonté de voir sa langue enseignée dans les écoles », la constatation de Francis Favereau : « Il est peu contestable que l'adhésion des bretonnants à l'idéologie française (sic) ait été réelle, voire enthousiaste (...) surtout en ce qui concerne l'assimilation par l'éducation (...) et jusqu'à encore aujourd'hui, comme le prouvent les taux de scolarisation et de diplômes, ou d'étudiants en Bretagne. »105. Cest à dire lémancipation par l École Publique Laïque.
104 Henri Fréville, La presse bretonne dans la tourmente (1940-1946), p 196-197
105 voir Pourquoi " l'exclusion du breton de l'école n'avait guère suscité de protestations " ?
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