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Ethnicisme
Art totalitaire
Drôles de frères

Exposition Les Seiz Breur.
Musée de Bretagne, Rennes.
Novembre 2000 - Janvier 2001


Un point de vue ethniciste.

L’exposition que présente actuellement le Musée de Bretagne à Rennes pose un certain nombre de questions et en tout premier lieu sur ce plan scientifique que ses concepteurs revendiquent sans cesse. On ne s’attardera pas sur l’accrochage, qui relève davantage de la brocante que de la muséographie, pour tenter de comprendre ce qui cherche à se dire, aujourd’hui, à travers une telle initiative. On s’abstiendra pour ce faire de tout jugement quant à la qualité même des œuvres.

Les Seiz Breur appartiennent à une période de l’histoire des arts appliqués (à considérer une bonne part de leurs travaux, on aurait parlé aujourd’hui de designers plutôt que d’artistes) qui présente le plus grand intérêt puisqu’il s’agit, grosso modo, de l’entre-deux-guerres et plus particulièrement des années 20 et 30 (plus que les années 40 où, semble-t-il, l’essentiel était joué) où s’affrontent, non sans ambiguïté et confusion, modernisme et ce que l’on a pu appeler “ le retour à l’ordre ”. C’est en particulier, comme le montrera l’Exposition Universelle de 1937, l’époque de l’instrumentalisation de l’art par les totalitarismes de tous bords comme d’ailleurs par ceux qui tentent d’y résister. Une exposition sur les Seiz Breur ne pouvait pas faire l’économie d’une inscription précise et documentée du mouvement dans l’histoire générale de l’art de cette période. Et puisqu’on a cru bon d’y utiliser de nombreux panneaux-textes, rien n’empêchait qu’on en consacrât quelques-uns de plus à ce contexte général de l’art de l’époque. Cette mise en perspective aurait permis, d’une part, de mesurer l’apport du groupe à cette histoire (autant que l’apport de la modernité à ce groupe) et, d’autre part, de juger plus objectivement de son importance et de sa pertinence. Or l’environnement dans lequel on a voulu situer ce mouvement n’est en aucun cas celui évoqué plus haut mais quasi exclusivement celui du mouvement breton (ce que les organisateurs nomment les “ emsav ” successifs).

Dès lors, l’objectif de l’exposition apparaît clairement. Il ne s’agit pas ici de faire mieux connaître au public un aspect de l’histoire des arts du XXème siècle (le catalogue, en outre, ne consacre qu’une étude “ rapide ”, c’est un euphémisme, à l’art européen des années 30 et 40) mais de le flatter dans son appartenance ethnique en tentant de prouver qu’il existe un art breton, de surcroît non “ biniousard ”, et que cet art a beaucoup œuvré pour la promotion de la culture bretonne et, de ce fait, pour la Bretagne en tant que nation.

Dans les commentaires de Daniel Le Couédic que l’on a pu lire dans la presse, il est en effet bien peu question d’art et beaucoup de Bretagne, de renaissance bretonne. “ La Bretagne renaîtra par ses artistes ” peut-on lire par exemple dans un entretien. Tout est dit : l’art et les artistes sont ici instrumentalisés au service de l’affirmation nationale (que cela prétende se cantonner au plan “ culturel ” ne change rien à l’affaire). Plus grave : contrairement à ce que les Seiz Breur eux-mêmes affirmèrent, il s’agit moins pour ces derniers de puiser dans le passé et les traditions afin de produire un art contemporain que d’utiliser la modernité pour doter les Bretons d’une conscience collective. Que cette exposition soit aujourd’hui montrée dans des musées ethnographiques et affublée d’une rhétorique si enthousiaste qu’elle rend difficile le moindre recul critique, sur le plan de la pertinence artistique par exemple, dit assez clairement le présupposé sur lequel l’affaire se fonde.

On est, dans ces conditions, forcé de constater que l’on n’a pas affaire ici à un travail crédible sur le plan artistique mais bien à une opération de propagande nationaliste telle qu’il en fleurit de plus en plus en ces temps d’identitarisme plus ou moins obscurantiste. Et le fait que les organisateurs s’en défendent, loin de nous rassurer, tendrait plutôt à prouver qu’ils n’ont pas une claire conscience des données qu’ils manipulent.


Jean-Marc Huitorel

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